Quelques données sur la comète Hale-Bopp

Index


Découverte

Le 23 juillet 1995, à quelques minutes l'un de l'autre, deux astronomes amateurs américains, Alan Hale au Nouveau-Mexique et Thomas Bopp en Arizona, découvrent indépendamment une nouvelle comète.  Chacun rapporte cette découverte au Bureau Central des Télégrammes Astronomiques, organisme qui centralise et dissémine les observations de comètes, d'astéroïdes, de novae et autres événements astronomiques éphémères.
Une nouvelle comète porte le nom de son ou de ses découvreur(s) : c'est ainsi que cette comète est devenue la comète Hale-Bopp.
Au moment de sa découverte, la comète était à 6,20 unités astronomiques (UA) (930 millions de kilomètres) de la Terre, et à 7,16 UA (soit à plus d'un milliard de kilomètres) du Soleil, bien au-delà de l'orbite de Jupiter.  C'est la plus lointaine comète jamais découverte par des amateurs; elle apparaissait 1000 fois plus brillante que la comète de Halley à la même distance.


Quelques caractéristiques de la comète Hale-Bopp

Longueur de la queue : plus de 100 millions de km (fin mars 1997).
Si l'on tient compte de la queue, la comète a été, quand elle était proche du Soleil, l'objet le plus grand du système solaire !
La détentrice du record de la plus longue queue est la Grande Comète de 1843. Sa queue s'étendait sur plus de 250 millions de kilomètres.  Si on avait pu placer le noyau de cette comète au centre du Soleil, la queue se serait déployée au-delà des orbites de Mercure, de Vénus, de la Terre et de Mars !

Diamètre du noyau : entre 40 et 50 kilomètres.
Même si ce noyau est plus grand que la moyenne des comètes (le noyau de la comète de Halley, par exemple, mesure 8 km sur 15 km), il est tellement petit que même les télescopes les plus précis ne sont pas arrivés à le distinguer.

L'analyse du nuage d'hydrogène autour de la comète Hale-Bopp a permis d'estimer que chaque seconde, 600 tonnes de glace étaient vaporisées et éjectées dans l'espace lors du maximum d'activité. Une telle activité ne dure cependant que quelques semaines. Cela parait énorme mais la masse totale de la comète est suffisante pour qu'elle puisse passer des milliers de fois près du Soleil.

Observée au télescope, la comète présentait dans la chevelure des sortes de coquilles concentriques, visibles même dans un petit télescope.  Depuis la comète Donati en 1858, on n'avait plus vu une telle structure autour du noyau d'une comète.
coquilles Ces coquilles sont formées par la matière éjectée par un puissant jet sur le noyau.  Ce dernier est en rotation et envoie la matière dans l'espace; cette matière s'éloigne progressivement du noyau et forme donc une spirale.
Ce jet a permis de mesurer la période de rotation de Hale-Bopp : le noyau tourne sur lui-même en 11,4 heures; à cette rotation s'ajoute un mouvement de précession d'une période d'environ 21 jours.
(Photo obtenue le 8 avril 1997 à l'Observatoire du Pic du Midi par Jean Lecacheux et François Colas).


Chronologie

Le tableau suivant mentionne quelques dates importantes concernant Hale-Bopp, notamment les passages au périhélie et à l'aphélie, et le moment où elle sera plus loin du Soleil que chacune des planètes.  Pour chacune de ces dates, le tableau donne la distance de la comète au Soleil (en unités astronomiques), la vitesse de la comète sur son orbite (en kilomètres par seconde), sa magnitude apparente et la distance de la comète à la Terre (en unités astronomiques).


date

événement

distance
au Soleil
(UA)

vitesse
(km/s)
magnitude

distance
à la Terre
(UA)

- 4 600 000 000

naissance

       

- 2215

TRES près de Jupiter

       

-2214

périhélie précédent

?

     

?

-108

aphélie précédent

520

0,1

 

520

27 avril 1993

ancienne photo

13,1

11

18

12,8

23 juillet 1995

découverte

7,2

16

10,5

6,2

avril 1996

passage à 0,77 UA de Jupiter

4,7

19

8

4,6

23 mars 1997

passage au plus près de la Terre

0,93

44

-0,7

1,32

1 avril 1997

périhélie

0,91

44

-0,8

1,35

24 avril 1997

plus loin du Soleil que la Terre

1,00

42

0,2

1,65

12 juin 1997

plus loin du Soleil que Mars

1,52

34

2,6

2,42

7 mai 1998

plus loin du Soleil que Jupiter

5,20

18

9,5

5,37

12 octobre 1999

plus loin du Soleil que Saturne

9,55

13

 ~13

9,62

7 février 2004

plus loin du Soleil que Uranus

19,2

9,4

 ~24

19,4

15 juillet 2010

plus loin du Soleil que Neptune

30,1

7,5

~28

29,8

15 mars 2017

plus loin du Soleil que Pluton

39,5

6,4

 ~30

39,7

2020

limite actuelle d'observabilité

44

6,1

~30

44

3193

prochain aphélie

357

0,5

~39

357

~ 4389

prochain périhélie

?

   

?

  • En extrapolant l'orbite de la comète vers le passé, il a été possible d'en retrouver la trace sur une plaque photographique du 27 avril 1993, obtenue à l'observatoire anglo-australien de Siding Spring en Australie. Cette observation a permis d'améliorer grandement les premiers calculs servant à déterminer la trajectoire de la comète. Lors de cette observation la comète se trouvait à 13 unités astronomiques du Soleil, soit au-delà de l'orbite de Saturne, et était de magnitude 18 (circulaire 6198 de l'Union Astronomique Internationale).

  • Avril 1996 : modification de l'orbite suite au passage dans le champ gravitationnel de Jupiter.  Le passage "à proximité" de Jupiter, à 115 millions de km de distance, a en effet suffit pour diminuer de près de 2000 ans la période de révolution de Hale-Bopp autour du Soleil : avant l'apparition actuelle, la période de Hale-Bopp était de 4211 années, mais le passage suivant aura lieu dans seulement 2392 ans.

  • 23 mars 1997 : passage de la comète au plus près de la Terre.
    Il est intéressant de comparer la distance minimum Terre - Hale-Bopp (1,3 UA, soit 197 millions de km) avec celle de la comète Hyakutake, qui a atteint 15 millions de km le 25 mars 1996.  Contrairement à la comète Hyakutake, qui apparaissait brillante en raison de son passage à proximité de la Terre, c'est la taille importante du noyau de Hale-Bopp qui l'a rendue aussi visible.
    La figure suivante, créée par Nick James (The Astronomer group), représente les orbites de la Terre (horizontale) et de Hale-Bopp (verticale); on voit que l'orbite de Hale-Bopp était presque perpendiculaire au plan de l'écliptique (inclinaison : 89,4°).  Le périhélie (le premier avril) a eu lieu au nord de l'écliptique, ce qui favorisait particulièrement les observateurs de l'hémisphère nord. Ce passage de Hale-Bopp était cependant plutôt défavorable pour les Terriens : nous étions presque au plus loin de la comète quand celle-ci était au mieux de sa forme.  Si elle était passée exactement quatre mois plus tôt, elle serait passée à seulement 16 millions de kilomètres de la Terre; dans ce cas, elle aurait été tellement brillante qu'elle aurait projeté une ombre et aurait été visible à l'oeil nu en pleine journée ! On aurait pu parler de la comète du millénaire !

  • 1 avril 1997 : au périhélie, la vitesse de la comète était de 44 km/s; elle parcourait donc près de 4 millions de kilomètres chaque jour ! A titre de comparaison, une balle de fusil se déplace à environ 800 m/s, soit 55 fois plus lentement que Hale-Bopp au périhélie.

  • Vers l'an 2020, Hale-Bopp atteindra la magnitude 30, c'est-à-dire qu'elle sera 1,5 milliards de fois plus faible que ce que l'oeil nu peut voir.  Cette magnitude représente à peu près la magnitude limite pour le télescope spatial Hubble et les plus grands télescopes terrestres actuels, de 8 mètres de diamètre.  On pourra donc suivre la comète au moins jusqu'à cette date, et peut-être encore au-delà, avec les moyens techniques qui continuent d'évoluer.  A ce moment, toute trace d'activité aura bien sûr cessé sur la comète, qui restera pendant plus de 2000 ans une petit boule en hibernation aux confins du système solaire.

  • Vers l'an 3193, Hale-Bopp atteindra sa plus grande distance au Soleil (aphélie).  La vitesse de la comète est minimum à l'aphélie et sera seulement de 0,46 km/s soit 1700 km/h (la même vitesse que le Concorde).
    A ce moment, Hale-Bopp sera à 357 UA, c'est-à-dire à 54 milliards de km.  Elle sera alors 9 fois plus loin du Soleil que Pluton.  Cette distance énorme est cependant minuscule, quand on la compare à la distance de la plus proche étoile du Soleil, Proxima Centauri, qui est située à 41000 milliards de km !

La photo suivante, obtenue le 27 mars 1997 à l'observatoire du Col Drusciè (Cortina d'Ampezzo, Italie), par A. Dimai, R. Volcan et A. Zardini, illustre bien les différentes échelles de distance rencontrées ici.
Ce jour-là, la comète Hale-Bopp est passée presque devant la galaxie d'Andromède (M31), visible près du coin inférieur gauche de la photo.  La comète était alors à environ 10 minutes de lumière de la Terre.  A titre de comparaison, la lumière traverserait la Terre en moins d'un vingtième de seconde, et elle nous parvient de la Lune en un peu plus d'une seconde.
Les étoiles visibles sur la photo appartiennent à notre galaxie et sont situées environ entre 10 et 1000 années de lumière.  La galaxie d'Andromède, quant à elle, est à près de 3 millions d'années de lumière de nous !



Espérance de vie

En dépit de l'immensité de leur queue, les comètes ne perdent pas beaucoup de matière.  On a estimé que la comète de Halley perd entre 2 et 5 mètres d'épaisseur à chacun de ses passages auprès du Soleil.  Naturellement, plus une comète s'approche du Soleil, plus vite sa surface glacée se dissipera et plus courte sera sa vie.

En mesurant la quantité de lumière réfléchie par la queue de poussières ou émise par la queue d'ions, on peut calculer le taux de production de poussières ou d'ions.  Ainsi, à la mi-février 1997, environ 400 tonnes de poussières et 100 tonnes de gaz étaient émises à chaque seconde par la comète Hale-Bopp.

Un calcul simplifié permet d'estimer combien de temps la comète pourra survivre à ce rythme.
Supposons que 500 tonnes de matière soient éjectées à chaque seconde pendant une période de 5 mois.  Il y a 13 millions de secondes dans 5 mois et 500 tonnes/seconde multipliées par 13 millions de secondes donnent une perte totale de matière d'environ 6,5 milliards de tonnes.  La densité d'une comète est estimée à environ 0,3 gramme par cm3 (ou tonnes par m3).  Ces 6,5 milliards de tonnes représentent donc un volume d'environ 22 milliards de m3 ou 22 km3.
Le diamètre de Hale-Bopp a été évalué à environ 40 km; une sphère de 40 km de diamètre possède une surface d'environ 5000 km2.   L'épaisseur de matière perdue par la comète à chaque passage est donc approximativement de 22 km3 (volume) divisés par 5000 km2 (surface), soit environ 4 mètres (cette approximation est raisonnable car 22 km3 représentent une faible fraction du volume de la comète).  Ainsi donc, lorsque la comète Hale-Bopp sera retournée dans les profondeurs glacées du système solaire, elle aura perdu 4 mètres d'épaisseur.
Si elle perd 4 mètres d'épaisseur à chaque orbite et que son diamètre est de 40 km, elle pourra encore parcourir 5000 orbites (soit 12 millions d'années) avant de disparaître complètement.  Cependant, elle finira par s'épuiser, sa queue devenant de moins en moins spectaculaire à chaque passage et, en fin de compte, il ne restera probablement plus qu'une sorte de noyau rocheux inactif en orbite autour du Soleil, à peu près semblable à un astéroïde.  Elle pourrait aussi se casser en plusieurs morceaux avant cela.  Ce phénomène a déjà été observé pour une vingtaine de comètes, par exemple la célèbre comète West qui, lors de son passage près du Soleil en 1976, s'est fragmentée en quatre.


Composition chimique

L'eau constitue 75 à 80 % de la matière volatile de la plupart des comètes.  D'autres glaces fréquentes sont le monoxyde de carbone (CO), le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l'ammoniac (NH3) et le formaldéhyde (H2CO).

Voici la liste des molécules qui ont été détectées dans la comète Hale-Bopp, certaines pour la première fois, comme le dioxyde de soufre (SO2), l'acide formique (HCOOH) ou l'acide cyanhydrique deutéré (DCN) (source : ESO Comet Hale-Bopp Update, May 16,1997) :

H2O, OH, H2O+, H3O+,
CO, CO2, CO+, HCO+,
H2S, SO, SO2, H2CS, OCS, CS,
CH3OH, H2CO, HCOOH, CH3OCHO,
HCN, CH3CN, HNC, HC3N, HNCO, CN, NH3, NH2, NH2CHO, NH,
CH4, C2H2, C2H6, CH+, C3, C2,
He, Na, K, O+,
Mg2SiO4
ainsi que les isotopes suivants :
HDO, DCN, H13CN, HC15N, C34S

La plupart des composés organiques de Hale-Bopp ont déjà été identifiés dans les denses nuages moléculaires interstellaires, ce qui renforce le lien entre la matière cométaire et la matière interstellaire, lien mis en évidence lors de l'exploration de la comète de Halley en 1986.


Records battus... ou approchés

Certaines comètes, comme la Grande Comète de Mars 1843, la Grande Comète de Septembre 1882 ou encore la comète Ikeya-Seki, en 1965, ont été tellement brillantes qu'elles étaient visibles en pleine journée.  En effet, chacune de ces 3 comètes a atteint la magnitude -17, soit plus de 60 fois plus brillante que la Pleine Lune !
La comète Hale-Bopp n'a pas été aussi brillante : elle a atteint "seulement" la magnitude -0,8 à la fin de mars 1997 (voir le tableau des grandes comètes du 20ème siècle).  Cependant, elle a été exceptionnelle à plusieurs points de vue et on peut la comparer aux plus belles comètes des siècles passés.

La comète Hale-Bopp a été plus brillante que la magnitude 0 pendant 7 semaines, du 6 mars au 26 avril 1997 (seules 2 étoiles visibles depuis la Belgique sont plus brillantes que la magnitude 0 : Sirius et Arcturus).  Depuis la comète de Tycho Brahé en 1577, aucune comète n'était restée aussi brillante aussi longtemps. Cette dernière comète était restée plus brillante que la magnitude 0 pendant environ 10 semaines. Mentionnons également les nombreux passages de la comète de Halley (entre 8 et 10 semaines plus brillante que la magnitude 0), lors des années 364, 66, -11, 607 et 530 (source : Longest Visibility of Ancient Comets, par Jacques Sauval, Observatoire Royal de Belgique).

La première observation à l'oeil nu de la comète Hale-Bopp a été faite le 17 mai 1996 et la comète est restée visible à l'oeil nu jusqu'au 2 novembre 1997.  Il s'agit de la plus longue période de visibilité à l'oeil nu rapportée pour une comète : 17 mois et demi !  La détentrice précédente du record était la comète Flaugergues, de 1811, avec "seulement" 9 mois de visibilité à l'oeil nu. (source : Mark Kidger, IAC, Tenerife, Espagne)

Au moment de sa découverte, Hale-Bopp était à 7,2 unités astronomiques du Soleil, soit à plus d'un milliard de kilomètres de la Terre, bien au-delà de l'orbite de Jupiter : jamais des astronomes amateurs n'avaient découvert une comète aussi lointaine.
Une découverte aussi précoce est rare et d'un grand intérêt scientifique : à une si grande distance du Soleil, la plupart des composés volatils du noyau n'avaient pas encore commencé à se sublimer; au fur et à mesure que la comète se rapprochait du Soleil -et donc qu'elle se réchauffait petit à petit- les scientifiques ont pu assister pour la première fois au départ de la sublimation d'une dizaine de molécules différentes; l'étude de cette évolution a permis de mieux comprendre les processus physiques et chimiques qui ont lieu à la surface du noyau lors de son constant réchauffement.

Finalement, la comète Hale-Bopp aura été la comète observée par le plus grand nombre d'êtres humains dans l'histoire de l'humanité : suite, d'une part à sa durée de visibilité exceptionnelle, d'autre part à la publicité faite par les mass media, et enfin parce que la population de la planète Terre n'a jamais été aussi importante.  Ce record risque bien de ne jamais être battu, à cause de la pollution lumineuse qui augmente sans cesse.


Pour en savoir plus

Voir les sites consacrés à la comète Hale-Bopp sur la page des sites.

Mes photos de la comète Hale-Bopp.


Les comètes



Retour à la page d'accueil.


Dernière mise à jour : 27 octobre 1998 par Philippe Demoulin