Modélisation des variations glaciaires-interglaciaires du CO2 atmosphérique
Rôle de l'érosion continentale


Résumé Un modèle du cycle du carbone dans le système océan-atmosphère a été développé afin d'étudier la contribution potentielle de l'érosion des roches continentales ainsi que de la sédimentation océanique aux fluctuations du CO2 atmosphérique lors des transitions climatiques glaciaires-interglaciaires. Ce modèle, contenant 11 compartiments, reproduit les distributions actuellement observées entre les différents bassins, du carbone inorganique dissous, de l'alcalinité, des phosphates, du d13C et du D14C ainsi que de la pression atmosphérique en CO2. Un schéma de sédimentation simplifié détermine l'accumulation et la dissolution de CaCO3 sur les fonds marins en fonction des profondeurs respectives des lysoclines pour la calcite et l'aragonite dans chaque bassin océanique (atlantique, antarctique et indo-pacifique). Le dépôt de carbonate sur les marges continentales est aussi considéré.

Trois méthodes sont utilisées pour calculer l'historique de l'évolution de la consommation de CO2 dans les processus d'érosion des roches continentales avec une attention spéciale apportée au rôle des roches silicatées.

La première méthode se base sur l'enregistrement du rapport isotopique 87Sr/86Sr en milieu marin. Nous concluons que ce traceur n'apporte pas assez de contraintes suite à la large gamme de valeurs du rapport 87Sr/86Sr observées dans les eaux drainant des terrains silicieux. Il est cependant possible de construire une histoire de l'érosion des silicates qui reproduise à la fois l'évolution observée du rapport des isotopes du strontium ainsi que le signal glaciaire-interglaciaire du CO2 atmosphérique. Cette reconstruction implique que la consommation de CO2 par l'érosion des roches silicatées serait d'environ 120% plus élevée pendant l'époque glaciaire qu'à présent.

La deuxième approche utilise les données du rapport Ge/Si dans l'océan. En tenant compte des incertitudes dans la connaissance actuelle des cycles respectifs du Ge et du Si, plusieurs scénarios d'évolution des flux fluviaux de silicates dissous sont déduits de ces données. L'étude des interrelations entre le contenu en silice dissoute des fleuves et les flux de bicarbonate pour différents régimes d'érosion nous conduit à la conclusion provisoire que, bien qu'il n'existe aucune corrélation entre la teneur en silice dissoute et la concentration totale en bicarbonate dans les eaux des principales rivières, il pourrait y avoir une corrélation négative entre l'intensité de l'érosion et le rapport entre la quantité de bicarbonates obtenus lors de l'érosion des roches silicatées seules et celle de silice mise en solution. En prenant cette corrélation comme hypothèse de travail, il est alors possible d'interpréter les flux de silice comme des taux de consommation équivalents de CO2. Les reconstructions effectuées dans ce travail indiquent que les taux d'utilisation du CO2 lors de l'érosion des roches silicatées pourraient avoir été deux fois, et même jusqu'à trois fois et demi, aussi importants pendant l'époque glaciaire qu'ils ne le sont actuellement. Ces flux, utilisés pour forcer le modèle du cycle du carbone, produisent des variations de la pression atmosphérique de CO2 au cours des cycles glaciaires-interglaciaires de l'ordre de 50-60 ppm, pouvant aussi atteindre 95-110 ppm. Ces fluctuations sont superposées à un signal d'une amplitude de 60 ppm produit par la construction et la désagrégation des récifs coralliens, processus inclus dans le modèle. Le signal atmosphérique total a une amplitude d'environ 80-90 ppm, cette dernière pouvant augmenter jusqu'à 125-135 ppm. Ces amplitudes élevées montrent la nécessité d'inclure les processus d'érosion des roches silicatées dans l'étude des variations glaciaires-interglaciaires du CO2 atmosphérique. De nouveaux problèmes découlent cependant de cette hypothèse. Ainsi, par exemple, la pression atmosphérique du dioxyde de carbone est trop élevée dans les simulations précédentes pour la période s'étendant de 110.000 à 70.000 ans avant l'ère actuelle.

Dans une troisième approche, l'évolution glaciaire-interglaciaire de la consommation de CO2 et le transport de bicarbonate vers l'océan qui en résulte sont calculés à l'aide du modèle global d'érosion GEM-CO2. Les climatologies produites par quatre modèles de circulation générale atmosphérique différents sont utilisées pour déduire les fluctuations du ruisselement continental nécessaires au calcul. Il en résulte que la consommation de CO2 et les flux fluviaux de bicarbonate lors du dernier maximum glaciaire étaient d'environ 20% supérieurs à leur valeur actuelle. Une grande partie des flux obtenus pour le dernier maximum glaciaire provient des marges continentales exposées suite au retrait du niveau des mers, contribution qui compense amplement une diminution d'environ 20% de ces flux sur les continents. Les scénarios d'érosion obtenus par cette approche produisent des fluctuations de la pression atmosphérique en CO2 d'environ 60 ppm entre les époques glaciaires et interglaciaires, mais la contribution de l'érosion des roches silicatées à ce signal n'est plus que de 12+/-5 ppm environ.

 
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Last revision: 26th February 2002